Eva Joly répond à l’association SOS Homophobie
Madame, Monsieur,
Je vous remercie de m’avoir fait parvenir ce questionnaire qui me permet de réaffirmer l’engagement fort qui est le mien, et celui des écologistes en France, pour la défense de l’égalité des droits et la lutte contre toutes les formes de discriminations liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre.
Déjà, en 2001, le parti des écologistes a été la première formation politique à avoir revendiqué la reconnaissance des familles homoparentales et l’égalité des droits avec les familles avec des parents de sexes différents.
Dans son combat contre la discrimination subie par les couples de même sexe, les écologistes proposaient, dès 2001, dans le cadre d’une motion adoptée par le Parlement interne du parti (le CNIR) le droit à « l’adoption pour un couple de concubins ou de personnes pacsées de même sexe ou non ».
Le combat des Verts s’est également traduit par une multitude d’initiatives au cours des années 2000, dont notamment le dépôt de plusieurs propositions de loi de parlementaires écologistes tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale concernant le droit à l’adoption conjointe pour les couples de même sexe, ou l’adoption simple de l’enfant du partenaire, de la partenaire, du concubin ou de la concubine.
Dans le cadre de la campagne pour l’élection présidentielle de 2012, EELV poursuit le combat pour l’égalité des droits des familles homoparentales mené par son prédécesseur et s’engage à engager plusieurs réformes d’envergure permettant une reconnaissance pleine et entière de la diversité des situations familiales et de l’homoparentalité.
Veuillez trouver ci-après mes réponses à votre questionnaire.
Sincères salutations,
Eva Joly
Réponse d’Eva Joly au questionnaire de l’association SOS Homophobie
QUESTION 1
Légaliserez-vous le droit au mariage dans sa forme actuelle pour les couples de même sexe ?
Depuis l’origine de leur mouvement, les écologistes sont attachés à l’égalité des droits, en témoignent le mariage de Bègle en 2004 ainsi que les nombreuses propositions de lois déposées par les députés écologistes ces dernières années. En tant qu’écologistes, nous considérons que l’interdiction du mariage des couples de même sexe constitue une discrimination institutionnelle qui fait perdurer une inégalité de traitement intolérable uniquement fondée sur l’orientation sexuelle. Comme je l’ai souligné en avril 2011 dans «Têtu», «aussi longtemps que les personnes LGBT n’ont pas obtenu l’égalité absolue, ce combat doit continuer». C’est pourquoi, en cas de victoire électorale du parti écologiste, le mariage et tous les droits attenants seront ouverts aux couples de même sexe. Cette avancée de l’égalité passera notamment par la réforme des articles 75 et 144 du Code civil.
Si oui, dans quel délai ?
Parmi les engagements que je prends, beaucoup pourront être rapidement mis en oeuvre, dans les 100 premiers jours, notamment parce que des propositions de lois ont déjà été écrites sur ceux-ci par des parlementaires d’Europe Ecologie – Les Verts. Ainsi de l’ouverture du mariage et de tous les droits attenants aux couples de même sexe.
D’autres demanderont au préalable des discussions et négociations avec les parties prenantes, et seront mis en oeuvre sur la durée du quinquennat.
Aussi, j’indiquerai dans les questions suivantes ce qui pourra être réalisé à court-terme, et ce qui sera mis en oeuvre sur la durée du quinquennat.
QUESTION 2
Instaurerez-vous l’égalité des droits dans l’accès à la parentalité pour toutes et tous ?
Pour moi, le ou la parent-e social-e d’un enfant ne doit pas être un simple beau-parent ou une simple belle-parente. Les procédures d’adoption doivent être réformées afin de répondre vraiment aux besoins de sécurité juridique des enfants et des différent-e-s parent-e-s en permettant l’adoption par le parent social. Les familles homoparentales doivent être pleinement reconnues et le législateur doit proposer des solutions créatives, comme cela a été le cas notamment en Norvège, afin de répondre justement aux situations familiales nouvelles. Je suis partisane d’aménagements de la loi fondés sur l’éthique de la responsabilité et sur la co-parentalité afin d’offrir à l’enfant une réelle protection de ses liens en le faisant appartenir à un cercle familial élargi.
Si oui, dans quel délai ?
Dans les 100 premiers jours du quinquennat.
QUESTION 3
Ajouterez-vous l’identité de genre aux critères de discrimination reconnus par la loi ?
Je souhaite tout d’abord rappeler que je considère que les personnes trans doivent pouvoir bénéficier facilement d’une identité sociale conforme au genre, quel que soit leur réalité physique et biologique. Le rapport du commissaire aux droits de l’homme du conseil de l’Europe Hammarberg doit nous servir de feuille de route pour faire respecter les droits fondamentaux des personnes trans. Ainsi, le changement d’état civil doit donc être simplifié et facilité, et ne plus être conditionné à une opération chirurgicale qui est une stérilisation de fait. Il faut aussi que les droits des personnes trans en tant que patient-e-s soient assurés, notamment avec le principe de la liberté de choix du médecin, le remboursement des soins réalisés à l’étranger et l’assurance d’une formation continue des équipes médicales françaises. En complément de ces changements administratifs, nous proposerons bien évidemment l’alignement de l’identité de genre au même niveau de protection de toutes les dispositions légales de lutte contre les autres motifs discrimination reconnus par la loi. Nous proposerons également une protection spécifique aux personnes victimes de crime de haine transphobe.
Si oui, dans quel délai ?
Dans les 100 premiers jours du quinquennat.
QUESTION 4
Porterez-vous le délai de prescription pour les injures dans le cadre privé à 12 mois ?
Pour moi, il ne peut y avoir de hiérarchisation des motifs de discriminations ou d’injures. Pour cela, il faut être très vigilant à tous les aspects techniques du droit et c’est ce qu’ont fait les député-e-s d’Europe Ecologie – Les Verts le 9 mars 2011 quand ils et elles ont déposé une proposition de loi visant à aligner le délai de prescription des injures à caractère homophobe, mais aussi sexistes et handiphobes, sur le délai de prescription des injures racistes, c’est-à-dire à un an. Je serai également particulièrement attentive à faire reconnaître par le droit la spécificité des injures transphobes.
Si oui, dans quel délai ?
Dans les 100 premiers jours du quinquennat.
QUESTION 5
Inclurez-vous explicitement l’orientation sexuelle et l’identité de genre dans les motifs ouvrant droit au statut de réfugié-e ?
Le projet écologiste prône une politique d’immigration ouverte et humaniste permettant une autre approche des rapports Nord-Sud que la guerre aux migrants menée actuellement par l’Union Européenne et le France. Dans ce cadre, je souhaite une application généreuse des conventions de Genève relative au statut des réfugiés, en rappelant explicitement aux agents de protection que leur esprit comprend évidemment l’orientation sexuelle et l’identité de genre dans les motifs ouvrant droit au statut de réfugié-e. Je souhaite également que la France abandonne la notion de «pays d’origine sûr», notion qui n’a particulièrement pas de sens lorsqu’on parle d’homophobie, de lesbophobie et de transphobie, et qui aboutit à une rupture du principe d’examen individuel et égalitaire des demandes.
Cette protection des personnes fuyant leur pays est pour moi essentielle, mais elle n’est pas satisfaisante et elle doit s’accompagner d’un travail constant de la diplomatie française pour inciter les autres pays à lutter sur leur territoire contre toutes les formes de discriminations, à assurer la protection effective de leur ressortissant-e-s et à respecter le principe d’égalité pour tous et pour toutes.
Si oui, dans quel délai ?
Dans les 100 premiers jours du quinquennat.
QUESTION 6
Donnerez-vous les moyens à un organisme public de lutter efficacement contre l’homophobie et la transphobie sur Internet ?
Il est nécessaire de renforcer les services de police et de gendarmerie qui luttent contre toutes les formes de délinquance sur internet, et notamment contre la diffusion de propos discriminatoires. De même, les moyens d’assistance juridique permettant de sévir contre la diffusion de propos véhiculant homophobie et transphobie sur internet, à l’image des outils de SOS Homophobie, doivent être renforcés.
Si oui, dans quel délai ?
Durant le quinquennat.
QUESTION 7
Ouvrirez-vous le don du sang aux homosexuels ?
Considérant que l’interdiction du don du sang aux homosexuels masculins est une discrimination qui contribue un peu plus à leur stigmatisation, les écologistes ont fortement soutenu la campagne sur l’ouverture du don du sang menée au cours de l’année 2011. L’évaluation du risque ne doit pas se fonder sur l’identité des donneurs mais bien sur les éventuelles pratiques à risques qu’ils ont eu. Avec une majorité écologiste à l’Assemblée, j’ouvrirais donc bien évidemment le don du sang, mais aussi de la moelle épinière, aux hommes ayant eu des pratiques homosexuelles sans risque.
Si oui, dans quel délai ?
Dans les 100 premiers jours du quinquennat.
QUESTION 8
Mettrez-vous en place un plan national de prévention spécifique sur la santé sexuelle des lesbiennes ?
Les lesbiennes étant exclues et invisibles des politiques de santé publique actuelles, je considère comme urgent et nécessaire de mettre en place un plan national de santé et de prévention sexuelle communautaire des lesbiennes. En tant qu’écologiste, je considère que la prévention doit être au centre de toute politique sanitaire et que les spécificités de chaque groupe doivent être prises en compte afin de porter un message juste et correspondant aux préoccupations réelles des personnes auxquelles on s’adresse. Autrement dit, je ne conçois pas qu’un plan national puisse être élaboré sans que les organisations lesbiennes y soit fortement associées. La France doit apprendre à devenir une démocratie sanitaire.
Si oui, dans quel délai ?
Durant le quinquennat.
QUESTION 9
Inclurez-vous dans les programmes scolaires la sensibilisation à la diversité des relations amoureuses et à la question du genre, et ce dès l’école primaire ?
De même que je souhaite dégenrer l’éducation afin de lutter contre les stéréotypes de genres et le sexisme de manière structurelle, avec les écologistes nous souhaitons inclure dans les programmes scolaires de manière transversale une sensibilisation à la diversité des relations affectives et amoureuses, ainsi qu’à la multiplicité des identités de genre. Il est nécessaire de démarrer cette approche dès la maternelle car les stéréotypes discriminatoires se forgent dès le plus jeune âge et je suis persuadée que les enfants sont tout à fait capables de comprendre ces questions. On le voit bien avec les familles homoparentales : les enfants sont souvent plus à l’aise que leurs parents avec les deux papas, ou les deux mamans, ou la maman qui est devenu un papa, ou l’inverse, de leurs camarades de classe.
Si oui, dans quel délai ?
Durant le quinquennat.
QUESTION 10
Formerez-vous le personnel de l’Aide Sociale à l’Enfance pour qu’il détecte l’homophobie et la transphobie dont peuvent être victimes les adolescent-e-s dans leur famille ?
Avec la majorité écologiste, je prendrai toutes les mesures absolument nécessaires afin de lutter contre l’homophobie et la transphobie. La formation des personnels de l’aide sociale à l’enfance en fait partie. La violence, physique ou morale, que subissent certains enfants dans leur famille du fait de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou des questionnements qu’ils ou elles ont autour de ces questions, est un phénomène maintenant connu et documenté. La sur-suicidialité des jeunes homos et trans en est un symptôme dramatique. Ces enfants doivent donc être protégés et il faut que l’ensemble des personnels qui interviennent auprès d’eux et d’elles soient formés : c’est-à-dire évidemment l’Aide Sociale à l’Enfance, mais également l’Education Nationale et les agents hospitaliers. Je souhaite également que soit mis en place partout en France des lieux d’accueil pour les adolescent-e-s en rupture avec leur famille du fait des violences qu’ils ou elles subissent.
Si oui, dans quel délai ?
Durant le quinquennat.
QUESTION 11
Demanderez-vous officiellement aux entreprises de mettre en place des formations de lutte contre les discriminations dont sont victimes les personnes LGBT au travail ?
Tous les champs sociaux doivent être investis par la lutte contre les discriminations. L’entreprise en fait parti, nous demanderons donc la mise en place officielle de formations de lutte contre les discriminations au travail. La Halde a mené un remarquable travail sur ces questions mais elle a malheureusement été dissoute. Je souhaite que ce travail soit poursuivi et amplifié par la nouvelle autorité nationale indépendante et renforcée de lutte contre les discriminations que nous souhaitons établir.. Je suis persuadée que l’Etat a un rôle essentiel d’initiative et d’incitation à la lutte contre les discriminations par les organisations privées. Les inspecteurs du travail doivent également être associés à cette réflexion collective.
Si oui, dans quel délai ?
Durant le quinquennat.
QUESTION 12
Inscrirez-vous dans la formation initiale des agent-e-s de la fonction publique un module de sensibilisation à l’homophobie et à la transphobie ?
Comme pour les questions précédentes, je peux répondre qu’évidemment, en cas de victoire aux élections, nous mettrons en place de tels modules. Sur les questions de lutte contre l’homophobie et la transphobie, il y a un travail immense à faire à tous les niveaux de société et nous devons utiliser tous les leviers dont nous disposons.
Comme je l’ai dit à «Têtu», «les transformations législatives sont nécessaires, mais il faut aussi une transformation dans les têtes». C’est pourquoi je trouve tellement important le travail que mène depuis des années notamment votre association et que j’espère que je serai bientôt en capacité d’utiliser votre expertise pour profondément changer le regard de la société française sur les personnes homosexuelles et trans.
Si oui, dans quel délai ?
Durant le quinquennat.